
La manière dont le secteur du design haut de gamme se structure ces dernières années se rapproche de plus en plus de la manière dont le luxe s’est lui-même construit. Nous avons identifié l’émergence de 4 typologies d’acteurs qui contribuent chacun à l’enrichissement des expressions créatives, à l'accroissement de l’attractivité du secteur et à l’élargissement de son audience. • Dans la tradition des grands couturiers, les grands ensembliers étendent leur proposition au mobilier et tentent d’installer les fondations de larges territoires de marque (Pierre Yovanovitch, Laura Gonzalez, Christophe Delcourt, Bruno Moinard, Thierry Lemaire…) • Face à ces « très grands », une scène internationale effervescente de nouveaux designers (Harry Nuriev, Kuo Duo, Marion Mailaender, Edgar Jayet, Samuel Accoceberry…) cherche de la visibilité avec de l’innovation et de nouveaux récits, à la manière des ‘trublions’ du luxe (Jacquemus, Acne Studios, Casablanca, Ganni, Amiri, Bode, Rhude…). Parfois en s'associant à eux. • Les grandes marques du luxe (Hermès, Louis Vuitton, Fendi, Dior, Saint Laurent, Loro Piana, Dolce Gabbana, Elie Saab, Bottega Veneta…) viennent concurrencer les maisons d’édition en acculturant leurs clientèles au design d’intérieur et en visant d’être vertueux et irréprochables sur la RSE. Elles viennent également challenger le positionnement des marques françaises de design haut de gamme (Ligne Roset, Roche Bobois…). • Les artisans français prennent conscience de la spécificité / l’unicité des savoir-faire nationaux et cherchent à valoriser leur apport de valeur (Duvivier, Manufacture d’Argentat, Duvivier, Jouffre, Alain Ellouz, Rinck…) tandis qu’ils sont courtisés et intégrés par certains acteurs dans un mouvement d’intégration verticale. Face à ces dynamiques, observer la manière dont les acteurs du luxe se sont développés pour affirmer des partis-pris et des écritures pertinentes pourrait permettre aux acteurs du design de consolider leurs business modèles et la manière de mettre en œuvre leur création. Sachant que les enjeux sont différents selon les positionnements. Pour exemple : Les grands ensembliers doivent construire des territoires de marque impactants, cohérents et différenciés, permettant de déployer des stratégies de croissance durable. Les designers indépendants doivent obtenir de la visibilité en proposant de nouvelles expressions disruptives tout une intégrant les contraintes de pérennité. Les maisons d’édition doivent renouveler leur ligne éditoriale pour renforcer leur singularité, redevenir attractives et reconsolider leur métier de curation. Les artisans et entreprises des métiers d’art doivent gagner en légitimité en ré-endossant la dimension patrimoniale et politique de leur métier. Pour tous ces acteurs, l’enjeu transversal est aussi de revisiter la notion du BEAU pour pouvoir tenir compte des enjeux environnementaux et façonner une nouvelle manière d’habiter le futur (Hélène Aguilar « où est le Beau ? »). Là encore, certaines marques de luxe peuvent être inspirantes dans leur manière de rendre ces sujets attrayants et mobilisateurs pour penser le monde de demain (Loewe, Hermès, Stella Mc Cartney, Gabriela Hearts, Kering…)